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Depuis plus de six mois, le gouvernement exerce une censure drastique sur les médias, muselant la liberté d’expression et d’information. De nombreux journalistes ont été licenciés ou mis au chômage technique à cause des pressions économiques résultant de cette censure. Les patrons de presse dénoncent une véritable asphyxie de leurs entreprises.
En Guinée, la liberté de la presse est actuellement mise à rude épreuve par les autorités. Depuis plusieurs mois, une vague de censure frappe de plein fouet les principaux médias audiovisuels du pays. Radios et télévisions subissent pressions économiques et restrictions en tout genre, contraignant de nombreux journalistes et techniciens au chômage technique.
Une situation d’asphyxie que dénonce Lamine Guirassy, PDG du groupe de presse Hadafo Média, l’un des plus importants acteurs du paysage médiatique guinéen. Dans un constat glaçant, il détaille l’ampleur du problème.
« Il est difficile aujourd’hui de chiffrer l’ampleur de la censure, car il faut d’abord comprendre que depuis six mois, les médias les plus écoutés sont victimes d’un coup de force de l’État. On ne peut pas admettre que l’ARPT, l’autorité de régulation, ait la possibilité de brouiller les fréquences de ces médias. La conséquence subie est tout simplement le chômage technique. Notre entreprise a déjà mis 70 % du personnel au chômage technique depuis près de deux mois. Une deuxième radio, FIM FM, a carrément fermée. Sans parler du groupe Djoma Média, qui subit le même sort que tous les médias censurés. Donc, il est très difficile de quantifier réellement l’ampleur de la censure des médias, tellement elle est énorme », explique Lamine Guirassy.
Dans le viseur de la junte au pouvoir en Guinée se trouvent essentiellement les émissions phares de talk-show des différents médias censurés. Diffusées pour la plupart le matin, elles ont la particularité d’essayer « de mettre à nu ce que les autorités nous cachent au quotidien, ce qui dérange apparemment le pouvoir central », souligne M. Guirassy.
Malheureusement, les multiples efforts déployés pour surmonter cette injustice n’ont pas donné les résultats attendus. Pire encore, les différents médias concernés ont été retirés du bouquet Canal+. « Un manque à gagner incroyable », fustige le patron de Hadafo Média.
Du côté des professionnels, c’est l’amertume et un sentiment d’impuissance qui prédominent. « Nous avons adressé des courriers à l’ensemble des ministères que nous avons estimés peut jouer un rôle pour décanter cette situation, malheureusement cela n’a rien donné. Aujourd’hui, ce sont plus de 500 professionnels des médias qui sont en chômage technique », déplore Sékou Jamal Pendessa, Secrétaire Général du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG).
Pas question d’abdiquer
Face à ce que certains journalistes guinéens considèrent comme une dérive autoritaire, le syndicat envisage des poursuites judiciaires et appelle la communauté internationale à la rescousse. Mais, le bras de fer s’annonce rude avec un pouvoir qui semble décidé à museler toute voix discordante.
Selon Lamine Guirassy, la plainte déposée à la Cour suprême a été jugée « irrecevable » par la haute juridiction. Par ailleurs, la Haute Autorité de la Communication (HAC), censée être le pont entre les médias et les autorités publiques « est dans l’incapacité de fournir des informations fiables. Elle est démunie face à la situation », constate-t-il, ajoutant que le ministère de l’Information, ne s’occupe pas de cette affaire. A l’en croire, « c’est le pouvoir central, c’est-à-dire la présidence de la République, qui gère actuellement ce dossier épineux. La situation est donc assez complexe. », explique-t-il.
Ne sachant plus à quel saint se vouer, Jamal Pendassa et ses camarades ont décidé de faire appel à Reporters Sans Frontières (RSF) qui a promis de les appuyer. « Intenter une action en justice coûte chère, alors que la situation financière des entreprises de presse guinéenne est catastrophique. Nous sollicitons également le soutien des autres partenaires parce que c’est le droit à l’information des Guinéens qui est bafoué », a-t-il plaidé.
Malgré la situation difficile que traversent les médias, ceux-ci ne comptent pas baisser les bras. « Nous essayons de tenir, car le pire serait d’arrêter demain. Cela constituerait une victoire pour ces gens, démons de la démocratie. Nous n’allons donc pas arrêter. Nous allons poursuivre le combat à travers les ondes quoi qu’il arrive », s’engage Lamine Guirassy.