
FAIT : Le lundi 28 avril 2025, plusieurs médias et internautes ont relaté l’information selon laquelle un convoi militaire français quittait Dakar. Cette affirmation, d’abord publiée par le site Afrik.com, puis reprise par Brut Afrique (qui a plus tard supprimé son article), a été largement diffusée, notamment par le média privé sénégalais Sud Quotidien et certains responsables politiques comme Alioune Badara Mboup, coordonnateur de Pastef-Tivaouane (une section du parti au pouvoir au Sénégal) .

VERDICT : FAUX. La vidéo diffusée le 28 avril 2025 montrant un convoi militaire n’est pas la preuve d’un retrait progressif des troupes françaises du Sénégal. Il s’agissait, en réalité, de blindés néerlandais participant à l’exercice African Lion 2025.
TEXTE
Selon Brut Afrique, la France s’apprêterait à restituer ses principales installations militaires au Sénégal, notamment les quartiers Maréchal et Saint-Exupéry, situés à proximité du parc de Hann à Dakar. Le média affirme que ce départ marquerait « la première étape du retrait progressif » des Forces françaises au Sénégal (EFS).
Source : capture d’écran Brut
L’information a ensuite été reprise par plusieurs médias sénégalais, dont Sud Quotidien, qui cite Brut Afrique comme source. Sur les réseaux sociaux, certains internautes y ont vu une manœuvre géopolitique orchestrée par Paris.
C’est notamment le cas d’Alioune Badara Mboup, coordonnateur de Pastef-Tivaouane, qui a partagé sur son compte Facebook, une image illustrant ce supposé retrait dont il fait le lien avec un récent article du site Jeune Afrique évoquant une éventuelle menace terroriste sur le Sénégal. Pour lui, cette « coïncidence entre le retrait progressif des troupes françaises et l’alerte sécuritaire n’a rien d’anodin ». Il estime qu’elle « révèle une stratégie bien connue : faire du chantage au terrorisme pour maintenir une influence militaire et politique de la France dans nos États ».
VÉRIFICATION
Deux des cinq emprises militaires françaises présentes au Sénégal ont été officiellement transférées aux autorités sénégalaises le vendredi 7 mars 2025. Il s’agit des quartiers Maréchal et Saint-Exupéry, situés près du parc de Hann, à Dakar.
Toutefois, aucune date précise n’a été annoncée pour le retrait total des Forces françaises du Sénégal. Trois autres sites – situés au port de Dakar, à Ouakam, et à Rufisque (base d’écoute maritime) – restent encore sous contrôle français. Une commission mixte franco-sénégalaise a été mise en place pour définir les modalités et le calendrier de leur rétrocession.
La publication du lundi 28 avril 2025, relayée par plusieurs médias et internautes, selon laquelle un convoi militaire français quittait Dakar, marquant “la première étape du retrait progressif des éléments français au Sénégal (EFS)” est fausse.
Un convoi néerlandais confondu avec des troupes françaises
La réalité est très différente de ce qui a été publié sur les réseaux sociaux et dans certains médias sénégalais. Contactées par Dubawa, les autorités militaires françaises à Dakar ont démenti catégoriquement l’information. Les véhicules filmés dans la capitale sénégalaise le 28 avril 2025 n’appartiennent pas aux Forces françaises au Sénégal, ont-elles indiqué.
Une vérification d’images permet de confirmer que certains des véhicules observés sont en réalité des blindés légers néerlandais de type Fennek, un modèle principalement utilisé par les armées allemandes et néerlandaises.
Source : capture d’écran armyrecognition.com
Selon le capitaine de vaisseau Ibrahima Sow, de la Direction de l’Information et des Relations Publiques des Armées du Sénégal (DIRPA), ces véhicules, présents à Dakar, participaient à une formation conjointe avec l’équipe de santé des forces armées sénégalaises.
Le convoi fait partie du contingent logistique engagé dans l’exercice militaire multinational African Lion 2025. Selon l’adjudant Seydou Diallo, chef du bureau d’informations relations publiques à l’état major de l’armée de terre : « ils ne sont pas les seuls : les Américains sont là, tout comme la Mauritanie et la République de Côte d’Ivoire ».
Il ajoute : « au-delà des aspects purement militaires, des activités civilo-militaires sont prévues au bénéfice des populations locales de Dodji et Thiès. Il s’agira notamment de consultations médicales gratuites et de dons de médicaments, une composante humanitaire qui illustre la volonté des forces armées de s’inscrire dans une démarche de proximité et d’assistance aux communautés hôtes ».
African Lion 2025 : un contexte d’entraînement international
L’exercice African Lion, présenté comme le plus grand entraînement militaire conduit par les États-Unis sur le continent africain, a débuté le 14 avril 2025 en Tunisie. L’édition 2025 réunit plus de 10 000 soldats issus de 40 pays, dont 7 membres de l’OTAN. Le Sénégal fait partie des quatre pays hôtes, aux côtés du Maroc, de la Tunisie et du Ghana.
Dans un communiqué du 30 avril 2025, le Ministère des Forces Armées du Sénégal a confirmé que l’exercice se déroulera du 3 au 15 mai 2025, en partenariat avec les États-Unis, les Pays-Bas, la Mauritanie, la Côte d’Ivoire et d’autres nations. Les opérations ont lieu dans les centres d’entraînement de Thiès et de Dodji (Linguère), mobilisant d’importants moyens logistiques.
CONCLUSION
La vidéo diffusée le 28 avril 2025 montrant un convoi militaire n’est pas la preuve d’un retrait progressif des troupes françaises du Sénégal. Il s’agissait, en réalité, de blindés néerlandais participant à l’exercice African Lion 2025.
Bien que des étapes de rétrocessions aient bien été amorcées, aucun retrait militaire formel n’a débuté à la date mentionnée. Les informations relayées par Afrikcom et Brut Afrique, entre autres médias, sont donc erronées et relèvent d’une confusion entre des faits distincts.
Article réalisé par Fana Cissé dans le cadre de la bourse 2025 du Centre for Journalism, Innovation and Development (CJID)