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FAIT : M. SANGARE Yacouba, député RHDP de Koumassi a déclaré, au cours de l’émission NCI 360 de la Nouvelle Chaîne de Côte d’Ivoire (NCI), du dimanche 15 septembre 2024, que M. Pascal Affi N’Guessan, président du FPI aurait reçu 100 millions FCFA (soit 152 449 euros) de M. N’GUESSAN Ahondjon (du RHDP) comme contribution pour sa campagne à l’élection du conseil régional du Moronou, en septembre 2023. Cette situation a mené à des appels à la démission de Pascal Affi N’Guessan.
VERDICT : Difficilement vérifiable. Le FPI, par l’intermédiaire de Diby Kokora Bernard, a reconnu avoir reçu de l’argent; mais dit que le montant est moins élevé, par ailleurs l’argent n’a pas été remis à Pascal Affi N’Guessan.
TEXTE
Cette affaire débute en septembre 2024 lors d’une émission télévisée dénommée NCI 360 de la Nouvelle Chaîne de Côte d’Ivoire (NCI). M. Sangaré Yacouba, député RHDP de Koumassi avait affirmé, à partir de la 7e minute de l’émission, que le président du FPI, Pascal Affi N’Guessan, avait reçu 100 millions de FCFA de M. N’Guessan Ahondjon (cadre du RHDP). Cet argent était une contribution pour sa campagne à l’élection du conseil régional du Moronou en septembre 2023. M. TANO Kassi Pascal, Secrétaire Général Adjoint du FPI en charge des opérations électorales, étant sur le même plateau télévisé, avait alors répondu que les déclarations de financement étaient sans preuve.
Mais Diby Kokora Bernard, directeur de campagne du FPI pour les élections régionales et vice-président du FPI pour le Moronou, a publié un communiqué le 18 septembre 2024, reconnaissant le versement d’un montant; mais précisant que la somme versée par le RHDP est de 70 millions FCFA (soit près de 106 715 euros). Dans le même communiqué, le directeur de campagne du FPI indique que l’argent n’a pas été versé directement à Pascal Affi N’Guessan; mais a été plutôt remis au trésorier de sa campagne. Ce montant fait partie d’un accord politique entre le FPI et le RHDP pour la mise en place de leur liste commune lors des élections régionales.
Ces allégations ont rapidement provoqué une agitation au sein du FPI, où certains membres ont exprimé leur mécontentement et réclamé la démission de Pascal Affi N’Guessan, arguant que cette situation compromet la transparence de leur formation politique. Nicolas Lasme, Secrétaire National Europe Chargé des Relations avec l’Organisation de la Société Civile et des Représentations Locales des autres Partis et Organisations Politique du FPI, a été l’un des principaux instigateurs de la demande de démission à travers une note signée transmise aux médias, soutenant qu’une clarification était nécessaire pour garantir l’intégrité du leadership.
L’accord de partenariat entre le Rassemblement des houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) et le Front Populaire Ivoirien (FPI), signé en mai 2023, a marqué un tournant dans la dynamique politique de la Côte d’Ivoire, en symbolisant une collaboration entre un parti au pouvoir et un parti d’opposition historique. Ce document prévoyait des accords électoraux potentiels lors des consultations électorales, mais était avant tout centré sur des objectifs communs de réconciliation nationale, de paix et de cohésion sociale.
Cependant, les tensions internes au sein du FPI et les divergences idéologiques avec le RHDP ont progressivement conduit à une rupture de cet accord. En effet, au cours de l’année 2024, le FPI, notamment sa faction dirigée par Pascal Affi N’Guessan, a été confronté à des pressions internes de certains membres critiques vis-à-vis de cette alliance. Ces membres considéraient que l’alliance avec le parti au pouvoir compromettait l’autonomie du FPI et ses principes fondateurs en tant que parti d’opposition.
Le contexte de cette rupture a pris forme après les élections régionales de septembre 2023, des désaccords sur la gestion des fonds électoraux sont apparus. En réponse à ces tensions croissantes, Pascal Affi N’Guessan avait finalement annoncé la rupture officielle du partenariat avec le RHDP en septembre 2024, lors d’une déclaration publique. Cette décision était motivée par le souhait de rétablir l’indépendance du FPI et de répondre aux critiques internes, expliquait-il. Ce revirement a été interprété comme une tentative de calmer les dissensions au sein du parti, notamment entre la faction pro-Gbagbo, plus méfiante à l’égard du RHDP, et les partisans d’Affi N’Guessan.
Cette rupture a laissé planer le doute sur la transparence dans la gestion des fonds électoraux et sur les motivations réelles des deux partis lors de la signature du partenariat. Aucune déclaration officielle de dissolution de l’accord n’a été accompagnée de détails précis sur la gestion des sommes versées.
Vérification
Nous avons échangé par téléphone avec le député RHDP, Sangaré Yacouba, qui maintient sa version initiale selon laquelle Pascal Affi N’Guessan a bien reçu 100 millions FCFA de la part du cadre RHDP, N’Guessan Ahondjon. Toutefois, M. Sangaré nous a informé qu’il ne pouvait fournir d’éléments de preuve sans l’accord de son parti politique.
Nous avons examiné la déclaration officielle de Diby Kokora Bernard, directeur de campagne du FPI et vice-président du parti pour la région du Moronou. En effet, dans son communiqué publié le 18 septembre 2024, il a précisé que le RHDP, par l’intermédiaire d’un de ses cadres, M. N’Guessan Ahondjon, avait contribué à hauteur de 70 millions FCFA pour la campagne électorale, et que cet argent avait été versé au trésorier de la campagne, et non directement à Pascal Affi N’Guessan. Il a également expliqué que cette somme faisait partie d’un budget total de 780 millions FCFA (plus d’un million d’euros), réparti entre le FPI (468 millions FCFA soit plus de 713 mille euros) et le RHDP (312 millions FCFA soit plus de 477 mille euros).
La question du mode de transfert des 70 millions FCFA est cruciale pour établir la transparence du financement et surtout vérifier l’exactitude de la déclaration du FPI, ainsi que celle du RHDP.
Nous avons sollicité le FPI (en l’occurrence Diby Kokora Bernard) pour obtenir des documents confirmant le versement de 70 millions FCFA. Nous avons notamment demandé :
1. Une preuve du versement (tel qu’un reçu ou une preuve d’un virement bancaire ou tout document attestant le transfert d’argent);
2. Un document ou rapport mentionnant les personnes et/ou organisations impliquées dans la transaction.
Après plusieurs échanges avec le secrétariat du FPI, nous avons finalement obtenu un rendez-vous avec Diby Kokora pour le dimanche 20 octobre 2024 au siège du FPI. Mais, ce rendez-vous a été annulé par M. Diby, qui avait promis de nous contacter ultérieurement. Cet engagement n’a pas été respecté malgré nos rappels à M. Diby, qui a finalement refusé de nous rencontrer, estimant qu’il avait déjà tout dit à la presse locale.
En définitive, un seul fait est accepté des deux partis : le versement d’argent. Mais les deux déclarations publiques du FPI et du RHDP restent contradictoires concernant le montant : le député RHDP mentionne 100 millions FCFA; alors que le FPI reconnaît avoir reçu que 70 millions FCFA. Le 2e point de divergence reste le destinataire de l’argent.
Mais aucune preuve documentée ne permet de vérifier et d’établir la vérité. La transparence des financements des partis politiques en Côte d’Ivoire est un vrai défi. Le cadre juridique ivoirien concernant le financement des partis politiques est principalement régi par la loi n° 2024-494 du 10 septembre 2024 relative au financement sur fonds publics des partis et groupement politiques et des candidats à l’élection présidentielle. Cette loi impose aux partis politiques bénéficiaires de fonds publics de déposer un rapport comptable annuel certifié par un expert-comptable, accompagné d’un état du patrimoine, auprès de la Cour des Comptes.
Cependant, cette législation n’encadre pas les contributions privées ou les dons de particuliers ou de groupes politiques tiers, comme c’est le cas avec le versement d’argent, par le RHDP, au FPI. Les insuffisances du cadre légal ivoirien sur ces questions ont été relevées par plusieurs études, notamment celle de la Fondation Friedrich Ebert Stiftung, qui souligne un manque de transparence et d’encadrement des dépenses électorales locales.
Conclusion
L’affaire des 100 millions FCFA met en lumière une situation complexe mêlant allégations politiques, financement opaque et tensions politiques. Les seules informations disponibles sont celles relayées par les acteurs impliqués eux-mêmes. Nous n’avons pu accéder à aucune preuve tangible sur le mode de versement utilisé, ni sur le montant exact versé.
Le RHDP et le FPI ne sont pas d’accord sur les montants versés, ni sur le destinataire final; mais aucun des deux partis n’a publié un document bancaire ou une preuve tangible du versement de ladite somme. Nous ne pouvons donc pas établir la véracité ou non de cette information.