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Femme d’affaires émérite, la Directrice Générale de l’entreprise avicole Sedima, se distingue comme la seule candidate parmi les dix-neuf prétendants à la magistrature suprême.
L’annonce de sa candidature pour l’élection présidentielle a fait couler beaucoup d’encre. Sur les réseaux sociaux, des internautes sénégalais s’en sont donné à cœur joie, allant de la raillerie aux moqueries, sans oublier de remettre en cause ses capacités à franchir ne serait-ce que le premier obstacle pour briguer le suffrage des citoyens : le parrainage. Mais au final, c’est bien Anta Babacar Ngom, et la seule femme d’ailleurs, qui représentera la gente féminine au scrutin du 24 mars prochain.
Née en 1984, la fille du célèbre entrepreneur, Babacar Ngom, a réussi, haut la main, à faire valider sa candidature par le Conseil constitutionnel là où plusieurs politiciens expérimentés ont échoué. C’est désormais à bord d’une de ses voitures rutilantes, avec toit ouvrant, qu’elle parcourt le pays pour présenter son programme à ses concitoyens.
Un engagement pour le développement économique et social axé sur les jeunes
Convaincue que « le temps de la relève est arrivé », la présidente du mouvement Alternative pour la relève citoyenne (ARC) a une vision résolument orientée vers la jeunesse.
« Je crois fermement en un Sénégal où chaque femme, chaque homme et chaque enfant a une chance équitable de réussir et de s’épanouir. En tant que candidate à la présidence, je m’engage à investir dans nos ressources les plus précieuses : notre jeunesse. Mon engagement se portera sur l’éducation et la formation pour élever une nouvelle génération de leaders. Je propose de rendre l’éducation obligatoire dès l’âge de 6 ans et l’enseignement de l’anglais pour tous », a-t-elle déclaré lors de la cérémonie de lancement de son mouvement politique, le 26 août à Dakar.
Au-delà de l’éducation, elle veut également œuvrer pour un système de santé plus juste qui va accompagner ceux qui n’ont pas les moyens de se soigner. De même, elle compte « se battre » pour assurer l’autosuffisance alimentaire, car « le Sénégal doit se nourrir par lui-même. »
Patronne de Sedima, l’un des fleurons de l’industrie sénégalaise, elle ambitionne de renforcer le patriotisme économique et de « créer des centaines de champions nationaux dans tous les domaines d’activités. » Anta Babacar Ngom compte également accentuer la souveraineté du pays de la Teranga sur ses matières premières et ses ressources en hydrocarbures.
Son statut de femme, un couteau à double tranchant
Le retrait de Rose Wardini pour cause de double nationalité a propulsé Anta Babacar Ngom, diplômée de l’université York de Toronto (Canada) et de Sciences Po Paris (France), au statut d’unique candidate au scrutin du 24 mars 2024. Cette singularité peut être à la fois un atout et un handicap dans une société fortement ancrée dans le patriarcat.
« Elle a la force d’être une femme, la seule parmi 19 candidats. Ce qui peut susciter une certaine sympathie non seulement des féministes, mais aussi de tous ceux qui sont sensibles à la cause féministe. Elle montre un certain dynamisme avec une utilisation efficace des moyens de communication », souligne l’analyste politique Mame Gor Ngom.
Abondant dans le même sens, Mamadou Thior, journaliste et analyste politique, estime, lui aussi, que « le fait qu’elle soit la seule femme à cette élection est un point fort. Et qu’on le veuille ou non, elle porte la cause des femmes. »
Les deux experts s’accordent toutefois sur le fait que l’histoire politique sénégalaise a montré que le genre ne détermine pas le vote. « Jusqu’ici, aucune candidate à l’élection présidentielle du Sénégal n’a réussi à faire un score remarquable. Le fait qu’elle ne soit pas à la tête d’un parti politique organisé peut aussi constituer un handicap pour elle », relève M. Ngom.
Parmi ses faiblesses, avance de son côté M. Thior, il y a le fait qu’elle est « novice » dans ce milieu. « Elle vient de l’entrepreneuriat et doit faire ses preuves dans le monde politique, qui est un monde de caïmans. Elle devra se battre pour se faire une place et capitaliser sur sa réussite dans le monde des affaires », pense-t-il.
A en croire Mame Gor Ngom, la situation est d’autant plus complexe que « certaines traditions et comportements sont toujours tenaces au Sénégal. C’est le cas de cette idée bien répandue qui relègue la femme au second rang et que ce soient les hommes qui dictent leurs lois dans l’espace politique. « (Mais), elle devrait être capable de briser tous ces préjugés pour pouvoir marquer son empreinte. »
Une participation symbolique
L’élection présidentielle du 24 mars marque un tournant dans l’histoire politique du Sénégal, offrant une opportunité sans précédent aux candidats en lice. Pour la première fois, le chef de l’Etat sortant ne se présente pas, ouvrant ainsi la voie à toutes les possibilités. Cependant, la présidente du mouvement ARC se trouve confrontée à des adversaires redoutables parmi les prétendants, notamment le candidat du pouvoir, Amadou Ba, et Bassirou Diomaye Faye, soutenu par Ousmane Sonko, principal opposant au régime de Macky Sall.
« Ses chances de remporter la présidentielle ne sont pas grandes, mais elle pourrait avoir un score honorable. Elle pourrait même surpasser beaucoup de candidats issus de la classe politique traditionnelle, estime M. Ngom.
Reconnaissant les défis inhérents à une première incursion en politique, l’analyste Mamadou Thior souligne : « Tenter une première fois, surtout en politique, et réussir à être élu est très difficile. » Il ajoute que pour réussir, Anta Babacar Ngom « doit pouvoir capitaliser sur l’expérience acquise à la Sedima pour s’imposer. Même si l’entreprise Sénégal est différente de l’entreprise Sedima, et nous sommes dans le domaine politique. Et qu’en politique, il faut avoir beaucoup de cordes à son arc. »
Quelle que soit l’issue de cette présidentielle, Anta Babacar Ngom aura le mérite d’avoir poursuivi avec détermination son ambition. Son parcours politique ne fait que commencer, et il est fort probable qu’elle joue un rôle majeur dans le paysage politique du Sénégal à l’avenir.