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À la veille des élections du 23 novembre 2025 en Guinée-Bissau, la désinformation est alimentée par des discours de haine et des messages à caractère ethnique. Demba Sanha, administrateur de la plateforme FactCheck-GB, décrypte l’ampleur du phénomène, son influence sur le vote et les défis majeurs auxquels font face les journalistes dans un écosystème médiatique déjà fragilisé. (Entretien réalisé en créole et traduit en français).
Question : Comment décririez-vous le climat informationnel en Guinée-Bissau à l’approche des élections ?
La situation est particulièrement tendue. Les journalistes subissent une forte pression dans la production de contenus, notamment pour la couverture de la campagne électorale. Cette pression s’explique en grande partie par la précarité dans laquelle évoluent les professionnels des médias. Faute de moyens, nombre d’entre eux dépendent financièrement des acteurs politiques pour le transport ou l’hébergement lors de leurs reportages. Cette situation limite sérieusement leur indépendance éditoriale et remet en cause la fiabilité des informations fournies au public. À cela s’ajoute une prolifération d’infox, rendant le climat informationnel encore plus fragile.
Question : Quelles sont les rumeurs ou fausses informations qui circulent le plus dans le contexte actuel ?
Les fausses informations les plus répandues durant cette période concernent principalement les discours de haine et les messages à caractère ethnique. Elles influencent fortement l’opinion publique, brouillent les enjeux essentiels du débat électoral et réduisent la capacité des citoyens à faire des choix éclairés. Ces contenus circulent surtout sur les réseaux sociaux, un espace particulièrement difficile à réguler.
Question : Selon vous, quels sont les principaux acteurs qui alimentent la désinformation ?
Les acteurs politiques sont les premiers producteurs de désinformation. Ils la diffusent directement ou s’appuient sur des influenceurs et activistes qui relaient leurs messages. Plutôt que de présenter leurs programmes, certains candidats préfèrent dénigrer leurs adversaires lors de leurs meetings, en recourant à des propos offensants qui impactent autant les personnes visées que le public.
Question : Quels formats de désinformation observez-vous le plus souvent ?
Les formats les plus fréquents sont de courts textes, auxquels s’ajoutent des images, vidéos et audios souvent manipulés ou sortis de leur contexte. Ces derniers jours, un audio prétendument lié à la tentative de coup d’État de fin octobre 2025 circule activement. Il est utilisé pour accréditer la thèse d’un putsch déjoué.
Question : Quels sont, d’après vos analyses, les objectifs récurrents derrière ces campagnes de manipulation ?
La désinformation vise avant tout à gagner en capital politique, ternir l’image de l’adversaire et influencer le vote. Elle cherche à convaincre l’opinion publique qu’un candidat est le meilleur choix, souvent en construisant cette perception sur la base des mensonges ou des manipulations.
Question : Quels défis rencontrez-vous dans le travail de vérification des faits en Guinée-Bissau ?
Les principaux défis sont liés au faible niveau de formation des journalistes. Il existe un réel besoin de renforcer leurs compétences en fact-checking, en particulier les techniques de vérification. À cela s’ajoutent des questions de sécurité pour les journalistes spécialisés dans la vérification et des difficultés d’accès à l’information.
Question : Comment jugez-vous la coopération des institutions publiques lorsque vous sollicitez des informations ?
La collaboration avec les institutions publiques est largement insuffisante. L’accès aux informations de base est déjà compliqué, et il est encore plus difficile d’obtenir des données sur des sujets sensibles comme la santé, l’économie ou la corruption. Cette absence d’ouverture constitue un frein majeur au travail journalistique.
Question : Dans quelle mesure la désinformation influence-t-elle le comportement électoral des citoyens ?
Le niveau académique global de la population, combiné à une faible compréhension des enjeux politiques et économiques, rend les citoyens particulièrement vulnérables à la désinformation. Beaucoup manquent de discernement face aux discours politiques, ce qui les expose à la manipulation, au discours communautaire ou encore à l’achat de conscience.
Question : Quel est le niveau de sensibilisation du public aux enjeux de la vérification de l’information ?
Le niveau de sensibilisation reste très faible, tant chez les journalistes que chez le grand public. La population a tendance à spéculer, et ces spéculations s’accompagnent souvent de fausses informations qui se propagent rapidement.
Question : Quelles initiatives existent aujourd’hui pour lutter contre la désinformation durant le processus électoral ?
Certaines initiatives existent, notamment au sein des médias traditionnels qui s’intéressent de plus en plus au fact-checking. Au sein du Consortium des médias (Cmics), une initiative appelée FactCheck GB a été lancée pour former les journalistes aux techniques de vérification. Toutefois, l’absence de régulation sur les réseaux sociaux limite fortement l’efficacité de ces efforts : chacun y diffuse ce qu’il veut sans craindre de rendre des comptes.
Question : Quels conseils donneriez-vous aux citoyens pour s’informer de manière fiable pendant les élections ?
Je recommande au public d’adopter des réflexes simples : vérifier la source d’une information, identifier la personne qui la publie et analyser ses intentions avant de croire ou de partager un contenu. Ces gestes de base peuvent éviter de tomber dans les pièges de la désinformation.




